Valéry Iakovlévitch Brioussov, un des classiques de la littérature russe, est un grand méconnu des lettres francophones.
Il avait tout pour se faire peu aimer à en lire les quelques notices qui précèdent la publication des quelques titres disponibles dans notre langue. Le catalogue de la BnF en délivre huit, tous d’œuvres en prose, romans, nouvelles et théâtre. Pour la poésie, il faut fouiller dans les anthologies.
« Valère Brusov » fait son entrée, avec trois pièces, dans celle qu’a publiée Katia Granoff (Gallimard et Christian Bourgois, de 1961 à 1993). Outre les « excentricités » des vers du jeune poète, elle pointe sa « virtuosité », son absence « de chaleur et de conviction » et ses qualités de traducteur. Un peu plus tard, dans son Anthologie de la poésie russe. La renaissance du XXe siècle (Aubier-Flammarion, 1970), Nicolas Struve lui ménage un strapontin (un poème : « Le flux vespéral ») mais pas ses mots. Qualifiant son destin d’ « étrange », il explique que ce « créateur ex nihilo du symbolisme, idole des jeunes poètes pendant les dix premières années du siècle, […] n’a pratiquement plus de lecteurs » et « n’a rien à nous dire ». Le reste de la notice est très sévère à l’égard de sa poésie et de ses choix d’existence. Alors à quoi bon? Struve justifie le ticket d’entrée en concluant par « le rôle déterminant qu’il a joué dans le renouveau littéraire au tournant du siècle ». Dont acte.
Nous voilà bien engagés dans le tournant suivant. Le paysage a changé. Les lectures que nos aînés ont faites de la littérature soviétique et de la russe d’avant (1917) ont elles aussi subi des modifications. Autres temps, autres yeux. Ce n’est pas un hasard si la prose de Brioussov intéresse de plus en plus traducteurs et éditeurs. Mais la poésie, qui occupe la place centrale de son œuvre, n’est demeurée pratiquement accessible qu’à travers ce nombre insignifiant de pièces publiées sous l’ère gaullo-brejnévienne. Ce ridicule tue: le silence quasi absolu qui pèse, par habitude, sur des œuvres importantes, où l’on finit par prendre la housse pour le trône.
Un Russe a accompli cette mission pionnière, un
Moscovite ayant vécu cet autre avant du vingtième siècle russe (1989). Avec le travail de Youri Kouznetsov
─ lui-même revendiquant sa naissance pionnière
─, l’anthologie s’étoffe. La métaphore textile n’est pas vaine : oui, les trames du poète se révèlent à nous, enfin. Et cette musique qui s’entend pour la première fois car tout tissu, fût-il texte, se touche et s’entend à la fois
─ de la grande orchestration (cos)moscovite à la
merveilleuse petite musique criméenne. Cette anthologie toute personnelle nous fait découvrir, pour la première fois, ressassons-le, le poète Valéry Brioussov. C’est que notre tournant doit (re)découvrir cette renaissance d’il y a un siècle qu’injustement nous avions abandonnée aux seuls lecteurs russes et soviétiques, comme d’Arménie, pendant tout ce temps. Traduire, c’est trahir pour une bonne cause.
(H.B.)
table des matières
quatrième de couverture
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VALÉRY BRIOUSSOV, PAR LES HABITACLES STELLAIRES
ВАЛЕРИЙ БРЮСОВ,
ПО ЗВЕЗДНЫМ ОБИТЕЛЯМ
Choix et traduction des poèmes par Youri Kouznetsov
Cоставил и перевел Юрий Кузнецов |